« La langue bretonne à la croisée des chemins ? ». Tel sera le thème du 26e Festival du livre en Bretagne de Carhaix en 2015 et du grand débat qui se déroulera le dimanche après-midi. À l’heure où de plus en plus de Bretonnes et de Bretons se disent convaincus de l’intérêt de promouvoir le breton afin d’assurer sa pérennité et si possible son développement dans l’ensemble de la société bretonne, force est de constater que bien des « résistances et des blocages » persistent et que dans la vie sociale, dans la vie publique, dans les médias, dans l’administration… l’utilisation de la langue reste dramatiquement faible. Probablement trop faible pour en assurer la survie comme langue de communication. Aujourd’hui, la langue bretonne est classée par l’Unesco comme « langue sérieusement en danger ». L’organisme international rappelle que « la perte d’une langue entraîne un appauvrissement de l’Humanité à de multiples égards » : connaissances perdues, disparition du patrimoine culturel… ». Malgré ces alertes, malgré la mobilisation des associations militantes, malgré le travail de titan réalisé par des éditeurs, par Diwan, par de multiples acteurs… on doit hélas, en étant réaliste, constater que le breton continue à reculer face à la déferlante du français et à la présence grandissante de l’anglais.
De plus en plus de gens, parfois très éloignées dans leur vie quotidienne de la nature, se mobilisent avec raison pour défendre la biodiversité, la sauvegarde justifiée de telle ou telle plante ou race d’animaux menacées d’extinction. C’est bien. On peut néanmoins se demander comment ces mêmes personnes regardent parfois avec des yeux ébahis et une certaine condescendance ceux qui réclament qu’une langue, comme la langue bretonne, ne disparaisse pas ? Comme si la diversité linguistique n’était pas également une impérieuse nécessité pour une évolution harmonieuse de l’homme ? Comme si on pouvait accepter qu’un peuple perde sa langue sans réagir ?
Plus traditionnellement politisés, d’autres s’opposent aujourd’hui encore frontalement aux langues régionales style Marine Le Pen, Mélenchon, une majorité jacobine du PS ou de l’UMP… les motivations et l’argumentaire sont connus. Pour eux, le jacobinisme français, le centralisme, le mépris et la négation des réalités et des langues régionales sont nécessaires et ont encore de longues années devant eux… Le dossier saboté de la réunification de la Bretagne en est la criante démonstration !
Rassemblant le temps d’un week-end la quasi-totalité des maisons d’édition en langue bretonne, le festival du livre de Carhaix se devait d’agir et de mettre en lumière la situation préoccupante du breton. Nous ne sommes pas exempts de critiques dans notre propre organisation et nous les acceptons car elles sont parfois justifiées. Mais, plus de 25 ans après que des militants particulièrement actifs de Stourm ar Brezhoneg (le combat pour la langue bretonne) soulevèrent l’idée de ce nouveau Festival du livre à Carhaix – entre la poire et le fromage d’un repas qui avait pour objectif premier de tenter de régler avec des élus départementaux et l’administration des routes la mise en place d’une signalisation routière bilingue dans le Finistère – il n’est pas inopportun de faire un point sur la situation du breton. Peut-être de tirer la sonnette d’alarme ? Le festival entend apporter sa pierre… sa modeste contribution en dressant la table des débats où nous inviterons des gens qualifiées et le grand public à prendre la parole. Il n’est pas certain en effet que les jeunes générations militantes continuent à « mendier pour obtenir des miettes », pour reprendre des propos entendus ces derniers jours. La langue bretonne est à la croisée des chemins et il est important d’en débattre en breton comme en français dans un esprit constructif et d’ouverture sans exclusive. C’est ce que le festival du livre en Bretagne de Carhaix proposera de faire le dernier week-end d’octobre 2015.