Je n’avais jamais mis les pieds sur l’île de Beauté et c’était une erreur ! Lorsque j’y suis allé pour préparer l’actuelle édition du Festival du livre en Bretagne consacrée à la Corse, j’y ai rencontré un peuple accueillant, ouvert, fier de sa nationalité et, chacun le sait, des paysages magnifiques. Mais j’avais à cœur de toucher du doigt la réalité linguistique, sans en être un spécialiste. Je voulais entendre parler corse. J’avoue que j’ai été un peu déçu, notamment à Ajaccio. Comme le breton chez nous, la langue corse me semble perdre du terrain. Mais c’est une impression plus que le résultat d’une enquête ou une analyse sérieuse. Je me garderai bien d’en faire une après un court passage. Je laisserai pour cela la parole à Jean-Guy Talamoni, dont le propos est particulièrement clair et précis sur le sujet.
Mais sur un point je n’ai aucun doute et je puis affirmer sans hésiter que l’avenir de nos langues nous rassemble. Elles font de nous : Corses, Basques, Occitans, Alsaciens, Catalans… des « alliés objectifs » et ce ne sont pas les nombreux éditeurs ou auteurs en langue bretonne présents sur ce salon depuis maintenant 28 éditions qui me contrediront.
L’avenir de ces langues passe bien entendu et c’est une évidence, par la volonté et la pugnacité des différents peuples de l’Hexagone à promouvoir leur propre langue. Je ne l’oublie pas ! Mais, après avoir dit cela, il serait trop simple d’occulter la responsabilité écrasante de l’État français, de Paris, dans la disparition programmée des langues dites à tort « régionales ». À l’heure ou la Cour Pénale Internationale vient de reconnaître que « la destruction délibérée du patrimoine est un acte criminel » mais aussi que désormais « l’atteinte délibérée et avérée à l’identité d’une population, aux témoignages de son passé, aux signes de sa civilisation constitue un acte criminel de la plus haute gravité (…) que ces crimes sont imprescriptibles… », comme d’autres sans doute, je me dis qu’un jour il devrait bien se trouver une Cour de Justice pour statuer sur la responsabilité de la France dans le déclin des langues « régionales » et dans le lavage de cerveau collectif réalisé dans les écoles, avec les méthodes que l’on sait, afin d’imposer la langue unique, le français.
Je sais, la CPI statuait sur des destructions réalisées par Daesch ou Al-Qaeda. Ces mêmes destructions ont légitimement choqué l’opinion internationale. Mais à notre échelle, la destruction délibérée de nos langues n’est-elle pas « un acte criminel » et une « atteinte avérée à notre identité » ?
Charlie Grall
Pour le Centre Culturel Breton Egin
Organisateur du Festival du livre en Bretagne