Le « Prix du roman de la ville de Carhaix » a été créé en 1999 et récompense chaque année un roman dont l’auteur est breton ou bien réside dans l’un des cinq départements bretons. Ce prix est doté d’une somme de 1 500 euros remis dans le cadre du « Festival du livre en Bretagne ».

Le prix sera remis par la ville de Carhaix le samedi 27 octobre 2018 à 17h00 dans le cadre du festival du livre en Bretagne.

 

Lauréate 2018 Mérédith Le Dez
pour son roman Le Cœur mendiant (2018, Editions La Part Commune)

 

Éléments biographiques

Ecrivain et poète, Mérédith Le Dez, née en 1973, vit et écrit à Saint-Brieuc.

Après des études de Lettres et d’Anglais à Nancy, initialement professeur de Lettres modernes (1995-2007), très marquée par les mouvements sociaux de 2003, et la destruction des services publics dont en particulier ceux de l’enseignement, elle interrompt sa carrière de professeur et reprend des études à l’occasion d’un congé sans solde.

Après un Master Métiers du Livre et de l’Edition (2004-2005) et un stage à Cheyne éditeur (avril-août 2005), elle démissionne de l’Education Nationale et crée les éditions MLD (2007-2013) autour de cinq collections de littérature et poésie principalement.

A partir de septembre 2014, elle s’engage à plein temps, toujours bénévolement, en faveur du livre et de la culture au sein de plusieurs associations. Elle poursuit parallèlement son travail d’écrivain, participe à des rencontres et festivals en France et à l’étranger (Haïti), anime parfois des ateliers d’écriture. Elle a été poète invitée en résidence par les Itinéraires Poétiques de Saint-Quentin-en-Yvelines de janvier à mars 2016.

Publiée depuis 2008 d’abord chez Folle Avoine, outre des publications en revue, des articles et des préfaces, elle est l’auteur d’une dizaine de livres, alternant prose et poésie.

Elle a reçu en 2015 le prix international francophone Yvan-Goll pour Journal d’une guerre (Folle Avoine, 2013) et en 2017 le prix de poésie française Vénus-Khoury-Ghata pour Cavalier seul (Mazette, 2016).

En 2018 paraît aux Editions La Part commune son second roman, Le Cœur mendiant. 

A paraître aux Editions Mazette en 2018 : La Nuit augmentée (poésie) et Mes amours leur ressemblent – Impressions fantômes, livre d’artiste avec Floriane Fagot.

 

Résumé de la 4ème de couverture

Un soir à 20 h en 2015. Dans une grande tour qui domine la ville où elle s’est installée seule quelques années plus tôt, une femme regarde les informations. Elle pense à son voisin, un vieillard malade du cœur qui vient d’être hospitalisé et dont elle garde le chat. Sur l’écran, des silhouettes dans un lointain désert jouent au football. Les ballons sont dirait-on faits de chiffons sales. En vérité ce sont les têtes de jeunes Américains décapités par leurs bourreaux. Le même soir, à la fin du même journal télévisé, elle apprend la disparition d’un homme qu’elle a connu vingt-cinq ans plus tôt, un écrivain britannique controversé, Jeremy Kettle, au parcours singulier. Cette mort énigmatique ouvre pour elle un travail de remémoration. Dans sa cave sont entreposés des cartons qu’elle n’a jamais ouverts depuis son déménagement. Poussée par les circonstances, elle renoue avec son passé, sur les traces d’un homme aimé, André Rouvre, le traducteur en français de Jeremy Kettle. Commence alors le récit dont elle est la narratrice, liant les destins individuels des personnages à l’histoire du monde sur une trentaine d’années, mêlant réalité et fiction, entre aspirations de la jeunesse et désenchantement de la maturité.

 

Ce qu’en pense le Jury…

Mérédith Le Dez, dont deux recueils de poésie ont été récompensés ces dernières années, livre ici un deuxième roman hautement sensible et saisissant, Le Cœur mendiant, dont le texte, riche, dense et subtil, garde son mystère jusqu’à la dernière ligne. Le récit, écrit avec une grande élégance, se construit comme un puzzle déroutant, où la vie, la mort et l’amour s’entrechoquent. L’auteure, qui a retenu de la poésie le sens de l’observation et du mot juste, a pris pour narratrice une femme parvenue à l’heure des bilans.

Les souvenirs et les certitudes de Muriel vacillent dans une histoire disloquée, où les drames intimes se fracassent contre l’actualité sanglante du monde. Dans le flux des informations télévisées, les images de la décapitation de jeunes adolescents américains s’insinuent dans le quotidien de la narratrice, préoccupée par l’hospitalisation de son vieux voisin Louis-Philippe, dont elle garde le mystérieux chat Gandhi. Muriel apprend la mort du romancier Jeremy Kettle, « étrangement mêlée à l’actualité sanglante ». Avec Kettle qui « vient de ressusciter (s)es propres souvenirs intimes », un fantôme surgi du passé fait irruption dans son présent, celui d’André, traducteur du romancier, qu’elle a aimé vingt-cinq ans auparavant. « Cueillie par la coïncidence des faits du jour », elle revit leur troublante rencontre par une journée d’automne en marge d’un salon du livre à Nancy, alors qu’elle était une jeune fille de dix-sept ans. Les périodes cruciales de sa vie, entre les illusions de son adolescence à Nancy et le désenchantement de l’âge adulte en Bretagne, se brouillent dans son souvenir et se télescopent. « Recroquevillée sur des lambeaux de mémoire », chancelante de retrouver « le mirage du passé », elle relit les cahiers intimes qu’elle avait écrits « pour recoudre les bribes de mémoire », après la mort d’André dans un accident de la route, des années de silence après le terme de leur histoire. Les souffrances et les illusions personnelles de la narratrice remuent des concrétions d’émotion et de chagrin. Les trahisons et les lâchetés surgissent du passé et creusent des abîmes de questions sans réponse : cet amour avait-il été sincère ou un jeu cruel destiné à inspirer le romancier ami qui s’est approprié leur histoire par la suite ? « La nuit, sa fabrique à histoires se mettait en marche, digérait la bouillie des autres, et préparait une pelote de réjection romanesque rondement menée. » Mais Jeremy Kettle était-il vraiment le pilleur que Muriel avait supposé ? La genèse d’un roman n’est pas si simple. Sous le récit d’une éducation sentimentale tourmentée entre une jeune fille et un homme d’âge mûr, Mérédith Le Dez aborde les rapports complexes entre réalité et fiction qui se posent à tout romancier : quelles sont les matières premières d’un romancier, de quels ingrédients se nourrit un roman ?

Malgré le désenchantement qui hante ces pages, la rage et l’énergie de la narratrice illuminent le roman. Un prologue et un épilogue écrits en italique et au présent, qu’on devine sortis des pages manuscrites d’un ultime roman que « l’écrivain charognard » a renoncé à publier, encadrent le récit, comme s’il n’était plus qu’une parenthèse dans une vie qui peut enfin reprendre son cours, « puisque nous ne pouvons que vivre et nous soumettre au présent ». Le Cœur mendiant fait partie des romans qui, par leur questionnement et leurs zones d’ombre, leur mystère persistant, continuent longtemps après leur lecture à cheminer en nous.

Marie-Josée Christien
Membre du jury du Prix du Roman de la Ville de Carhaix.