« Voyages, coffrets magiques, vous ne nous livrerez plus vos trésors intacts… » Ainsi s’interrogeait Claude Lévi-Strauss dans Tristes tropiques, rappelant combien notre civilisation exubérante a le pouvoir de détruire ce qui a existé durant des siècles.

Il apparaît que, chacune avec sa spécificité, la Bretagne comme la Corse, ou d’autres régions de France, ont à cœur de préserver des traces fortes de leur ensemble culturel.  Tout se passe comme si les cultures cherchaient à résister aux effets réducteurs, destructeurs de la standardisation, de l’homogénéisation que porte cette civilisation qu’évoque Lévi-Strauss. Un combat bien inégal, qui ne décourage pourtant pas grand nombre d’entre nous de porter cette parole, ce message d’alerte à travers le livre.

Venir à la rencontre de la Bretagne, c’est instaurer ce dialogue où chacun inscrit son parcours dans une histoire qui passe par la langue. La nôtre, écrite, a été longtemps l’italien, le toscan plus particulièrement, puis le français après 1769 … mais on ne peut demander à un peuple de se métamorphoser en un éclair. Les textes publiés l’ont été longtemps encore en italien ou bilingues. Cette langue italienne a peu à peu reculé pour faire place aux écrits en français afin de répondre à une nouvelle demande des élites dans la seconde moitié du XIXe siècle. C’est à ce moment-là que la langue corse sort de son oralité pour peu à peu s’imposer comme langue écrite et toujours parlée. L’insularité a agi comme un mur protecteur et encore de nos jours, elle est très largement en usage chez nous, défendue dans les écrits, à travers la musique, au cœur des métiers, inscrite dans des programmes scolaires et universitaires. Elle est porteuse de cet ensemble culturel et le témoin d’une volonté, d’une conviction que l’on peut sans doute encore vivre sans se fondre dans le moule unique que nous prépare cette civilisation. Elle est message d’alerte, elle est le témoin d’une diversité culturelle qu’il nous faut maintenir. La Corse a dû se construire par de multiples contacts avec la Méditerranée, par adjonction de ces strates dont le paysage porte parfois encore la trace. Elle se nourrit de ces échanges, car nombreux sont ceux qui ont œuvré loin de leur terre, en Italie, en France, en Amérique du sud, tout en conservant la plupart du temps un lien très fort avec leur sol.

Alors, venir à la rencontre de la Bretagne avec ces préoccupations, c’est serrer d’autres mains qui vivent, à leur manière propre, ce long cheminement.

Alain Piazzola
Président de l’Association des Éditeurs de Corse

 

 

L’association des éditeurs de Corse : présentation, activités

Au cours de ses vingt-cinq années d’existence, l’Association des éditeurs de Corse a regroupé jusqu’à dix membres, tout en permettant à tout non adhérent de participer à nos opérations lorsque le contexte s’y prêtait.

Nous avons au départ organisé des opérations sur l’île, la principale étant la Place aux Livres à Ajaccio puis, progressivement, nous avons éprouvé le besoin de susciter de nouvelles rencontres, des échanges, pour faire connaître notre engagement autour du livre et de la lecture, et élargi le champ de nos interventions au pourtour méditerranéen. Notre manifestation la plus structurée a été notre présence au salon du livre de Paris. La Corse, à travers l’association des éditeurs, a impulsé cette présence, d’abord à la périphérie, sur un stand de petite dimension, avec un mobilier rudimentaire. D’année en année, avec la gestion de cette manifestation transférée à la Collectivité Territoriale de Corse, les choses ont pris de l’ampleur. Un stand mieux situé au cœur du salon, un espace fonctionnel, une scénographie originale, ont contribué à cette réussite. Cette présence a été interrompue ces deux dernières années, mais la reprise semble assurée pour 2018.

Parmi les autres expériences originales, signalons notre présence au salon du livre insulaire de Ouessant durant trois années, et nos deux participations au salon du livre de Montréal.

Si, à travers notre présence, c’est d’abord le livre que nous souhaitons promouvoir, nous ne perdons pas de vue qu’il est en même temps le reflet, le miroir de la Corse qui cherche à construire une identité qui lui est propre. Mais pour chaque opération, nous essayons de conduire une réflexion afin de mieux définir notre engagement, notre positionnement, car participer à un salon à Montréal ne revêt pas la même signification qu’une présence à Paris ou en Bretagne…