Une ode à la diversité linguistique par les Occitans d’Italie.

Lo fuec es encà ros dessot la brasa” (Le feu est encore rouge dessous la braise), telle est la devise des Prix Ostana de création en langue maternelle. Ces prix ont été créés en 2008 par des locuteurs occitans d’Italie pour donner la parole à la créativité dans des langues souvent officieuses et particulièrement menacées.

Le Festival du livre en Bretagne a créé un partenariat avec cette initiative qui vise à multiplier les échanges entre les cultures et à les valoriser dans la grande bibliothèque des littératures du monde.

Il existe 11 vallées occitanes en Italie. Selon une loi votée en 1999, les communes peuvent décider d’être officiellement reconnues comme minorité linguistique, ce qui constitue une avancée capitale par rapport à la France. Il existe douze minorités linguistiques en Italie. L’occitan d’Italie est pratiqué par 68 000 personnes.

Ostana a été choisie comme capitale des vallées occitanes d’Italie non seulement pour sa langue mais aussi pour son architecture. Avec 90 habitants seulement elle a réussi à attirer un centre d’études alpines, une école de cinéma et de nombreux événements culturels dans son centre « Lou Pourtoun » qui font d’Ostana la capitale culturelle occitane du Piémont.

Parmi les prix décernés cette année, celui de la littérature occitane fait référence. Michèle Stenta, la lauréate, spécialiste de la langue des troubadours vient de signer un roman contemporain : Chronique de quelques jours ordinaires. La lauréate nous entraîne dans le monde des hôpitaux, d’uniformes blancs qui vont et viennent, de silences aseptisés, roues de chariots dans les couloirs, patients cachés, un thème qui parlerait aux habitants du Kreiz-Breizh, défenseurs acharnés de leur hôpital.

Les prix d’Ostana mettent aussi en exergue la littérature d’une des 12 minorités italiennes mais aussi la littérature jeunesse. Il est emblématique que c’est un écrivain rom qui a été couronné et qui a pu expliquer la difficulté de créer des livres pour une minorité dispersée dans de nombreux pays d’Europe.
Difficulté également pour Firat Cewerî, écrivain kurde, prix international, qui doit affronter la répression permanente du pouvoir en place en Turquie pour publier dans sa langue. Le prix de composition musicale échappe aux Celtes cette année puisqu’il a été décerné au Frison Arnold de Boer qui succède à une Écossaise et à une Bretonne.

Ostana a voulu sortir de l’univers européen en décernant le prix international à Karama Koumarami, autrice du Burkina Faso pour son théâtre dans sa langue maternelle, le dioula. Jusque-là, l’essentiel de la vie culturelle soutenue par le gouvernement était créé en français. Le prix récompense la réelle volonté d’encourager les gens à écrire dans leur langue maternelle en Afrique.
Le Festival du livre en Bretagne de Carhaix en partenariat avec les Prix d’Ostana invite cette année Jayde Will, prix de la traduction. Ce Letton nous fait découvrir la poésie d’une minorité linguistique de Lettonie appelée Latgalia. Il nous a expliqué que cette langue n’est pas officiellement reconnue en Lettonie car si elle l’était officiellement, ils devraient également reconnaître le russe comme langue officielle, ce qui n’est pas possible compte tenu de la situation géopolitique dans laquelle les pays baltes doivent composer avec les méthodes violentes des Russes et des Biélorusses, malheureusement leurs plus proches voisins.

Le latgalien, parlé par 164 500 personnes, appartient à la même famille que le letton, un peu comme le gallo et le français. Il a été interdit pendant la période tsariste et plus tard par l’Union soviétique. Ce n’est que depuis que les pays baltes ont retrouvé leur indépendance que des livres sont publiés et que la langue latgalienne est utilisée dans la vie publique. Celle-ci est reconnue par l’État comme « dialecte » officiel de la langue nationale.
Jayde Will a remporté le prix de traduction pour un recueil de poèmes en Latgalien, traduits en anglais et publiés à Londres. Il sera invité à venir à Carhaix pour expliquer l’impact d’un prix international comme celui qui lui a été décerné à Ostana mais aussi une publication dans d’autres langues peuvent aider une minorité à se faire connaitre dans le monde littéraire international.

Ostana devient progressivement un véritable lieu d’échanges culturels non seulement pour l’ensemble de l’Europe mais aussi pour les cultures minorisées du monde. Jusqu’ici, deux Bretons ont été primés : Antony Heulin, le prix jeunesse en 2013 et Marine Lavigne prix de la composition musicale en 2022. Le festival du livre de Carhaix veut donner un écho particulier à cette initiative qui vise à valoriser les expressions en langue maternelle dans le grand amphithéâtre des langues du monde.

Rencontre avec les représentants de « Premio Ostana » et entretien avec le traducteur Jayde Will
Dimanche 27 octobre à 14h30 au « Klub »

Jayde Will est un écrivain et traducteur littéraire de letton, latgalien, lituanien, estonien et de l’allemand vers l’anglais. Né dans le Nebraska aux États-Unis, il s’installe en Estonie à la fin des années 1990, où il obtient une maîtrise en linguistique à l’Université de Tartu. Depuis 2007, il a traduit près de 30 livres, de l’histoire de la Lituanie à la poésie lettone.